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Une médecine chère et inégalitaire

Quoi de plus noble que de sauver des vies, réparer, soulager des corps et des âmes, prévenir des maladies plutôt que les guérir, les guérir en dernière instance malgré tout, combattre des épidémies. En d'autres termes, quoi de plus noble que de travailler dans un système de santé qui serait réellement égalitaire et proposerait cela à l'ensemble de sa population sans tenir compte de sa situation sociale, de sa nationalité, de ses revenus ?

Une médecine chère et inégalitaire, févr. 2024Librement tiré de Le Monde Diplomatique, numéro 830, février 2024

Cela ne date malheureusement pas d'aujourd'hui. La dégradation de la prise en charge de la santé et des conditions de travail dans l'hôpital sont les deux leviers actionnés par les gouvernements depuis les années 1980 sous couvert de maîtrise des dépenses. Or, la soi-disante maîtrise des dépenses de santé, qui s'inscrit dès l'entrée de la France dans le modèle d'une Europe libérale, se fait toujours au détriment des patients et des soignants et en faveur des entreprises de la santé.

D'un côté, de plus en plus de patients renoncent à se faire soigner, sous les effets d'une triple malédiction : baisse des remboursements de la Sécurité sociale, augmentation du prix des mutuelles grâce à la libéralisation des services de la santé, augmentation des prix des médicaments.

De l'autre, les soignants sont inexorablement soumis à la baisse des moyens dans l'hôpital public, l'état macronien ayant opté pour le seul soutien de la médecine de ville dite libérale et de l'hôpital privé. Ce modèle se déploie dans l'éducation, la justice, la police, l'armée. Il n'y a plus de sanctuaire républicain.  Tout doit être soumis à la loi du marché et à la concurrence de tout le monde avec tout le monde.

Le prix des médicaments

Aujourd'hui le coût des anticancéreux explose mais, déjà entre 2014 et 2016, le laboratoire Gilead (NdA - américain, 25 milliards de dollars de revenus en 2020, fabricant du remdesivir et spécialisé dans l'hépatite B, l'hépatite C et le sida) avait pu toucher plus de 700 millions d'euros de la Sécurté sociale après avoir obtenu du ministère de la santé le tarif de 56 000 euros pour chaque traitement complet au Sovaldi contre l'hépatite C ; un montant si faramineux que la France n'a pas pu donner accès à cette thérapie à tous ceux qui en avaient besoin - une première.

Le désinvestissement public dans les hôpitaux

Cette réalité a pour conséquence directe la diminution du nombre de lits qui se chiffre en milliers chaque année. Un lit sur deux pour mille habitants a été supprimé depuis les années 1980. Dans le même temps, l'activité a augmenté deux fois plus vite que l'emploi depuis les années 2000 alors que les passages aux urgences y sont passés de 10 à 20 millions. Le désinvestissement est également visible dans les services d'urgence qui ferment. En 2023, 163 sur les 389 existants, ont été fermés pendant l'été. Les surmortalités deviennent recurrentes depuis l'épisode du covid et s'expliquent en grande partie par le retard de soins . Cela se traduit, en 2022, par le recul de l'espérance de vie en bonne santé à 65 ans selon les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees).

Utopique

La Cour des comptes et le Haut conseil pour l'avenir de la Sécurité sociale (HCAAM) ont crédébilisé en 2021 puis en 2022 la perspective d'une "grande Sécu". L'idée consiste  à rembourser à 100% les tarifs conventionnés, sans l'intervention d'une complémentaire, mutuelle ou assurance, pour un gain pour les assurés et les employeurs de 5,4 milliards d'euros. Cette réforme profiterait aux 80% les moins riches et mettrait un terme à une logique gestionnaire qui combine gabegie et renoncement aux soins. Il confirme aussi les vertus de la socialisation comme condition de l'égalité.

Il existe donc un autre chemin pour permettre une meilleure prise en charge de la santé publique tout en faisant des économies substancielles, les financements publics étant réorientés vers les patients les moins argentés et les soignants au détriment de la marchandisantion de la santé et de sa financiarisation.

Philippe Idlas

Auteur·rice : Philippe Idlas

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