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Révoltes légitimes

Face à la violence légitime de l'état capitaliste qui s'exerce contre le peuple, ceux là-même qui ne siègent pas dans les instances de la République et ne représentent donc qu'eux-mêmes, que reste-t-il au peuple, ceux qui sont gouvernés donc, pour exercer leur pouvoir politique puisque tel est le sens du mot démocratie ? La réponse dépent en grande partie de la façon dont les élites dirigeantes vont instrumentaliser l'autorité pour en faire l'alpha et l'oméga de leurs politiques.

Révoltes légitimes face ) la violence légitime de l'état, nov. 2023À l'encontre du mouvement des idées portées par les médias de masse, les chien.ne.s de garde, les experts de plateaux TV et les réactionnaires de tous poils, nous vivons encore dans un moment historique. Le credo des néo-libéraux sur la fin de l'histoire et le TINA, There Is No Alternative, il n'y a pas d'alternative, ne sont que de l'idéologie. Nous vivons bien un moment de l'histoire de l'humanité dans lequel tous les repères sont bouleversés par ceux là-mêmes qui devraient les représenter dans notre société démocratique qui ne l'est plus vraiment : les hommes et les femmes politiques, les intellectuels et les journalistes qui les servent. Les intellectuels, que certains appellent à juste titre les "chien.ne.s de garde", et la classe médiatique, qui est détenue à 90% par les milliardaires français, ne sont que les passe-plats de la propagande gouvernementale en servant les seuls intérêts de la finance française et internationale.

De rares voix se font encore entendre sur les médias indépendants. Des voix discordantes qui parlent d'une autre réalité que celle du 20 heures de la télé ou du flux ininterrompu des chaînes d'information en continu. L'une de ces voix est Kaoutar Harrchi, écrivaine et sociologue. Voilà ce qu'elle a dit dans le Télérama du jeudi 29 juin 2023 à  propos de l’assassinat du jeune Nahel et des révoltes légitimes qui s’en suivirent.

Il faut l’écrire, le dire et le répéter : être perçu comme un jeune homme noir ou arabe entraîne un risque vingt fois plus élevé de subir un contrôle de police. Par ailleurs, depuis 2017, le nombre de personnes tuées suite à un refus d’obtempérer a été multiplié par cinq. En une année, ce sont treize personnes qui ont été tuées. À cette liste, s’ajoute désormais le nom de Nahel. Une liste qui elle-même s’ajoute à la liste séculaire des victimes de crimes policiers.
Pourtant, l’écrire, le dire, le répéter n’a que peu d’effets car, à peine survenu, le meurtre de Nahel a été, sur les plateaux télévisés de la guerre civile, justifié. J’entends : un sens a été donné à sa mort : il n’était que. Qu’un jeune, qu’un impoli, qu’un fuyard, qu’un délinquant, qu’un récidiviste, qu’une racaille. Pareille décriminalisation du crime commis contre Nahel révèle la violence par laquelle, en France, les hommes racisés des fractions populaires sont chassés de la communauté humaine – soit la communauté morale. Animalisés. Et rendus tuables.
La police est l’organe de cette tuerie, cette grande chasse. Le contrôle d’identité est la traque. Les hommes racisés vont et viennent dans l’espace enclavé. Et, d’un coup, c’est l’arrestation, la capture. Le feu est ouvert.
Avant que Nahel ne soit tué, il était donc tuable. Car il pesait sur lui l’histoire française de la dépréciation des existences masculines arabes. Il pesait sur Nahel le racisme. Il y était exposé. Il courait ce risque d’en être victime. La domination raciale tient tout entière en ce risque qui existe.
Alors que faire lorsque le risque se précise ? Que faire lorsque le risque a un visage, une voix, une arme ? Que faire lorsque le risque s’intensifie au point de devenir une menace ? Que faire lorsque ça hurle « shoote-le » ? Lorsque ça hurle « je vais te mettre une balle dans la tête » ? Ce qu’a fait Nahel, il a fui. Fui ce risque qui était la police. Nahel a voulu garder cette vie que la police allait lui prendre. Et cela est intolérable, n’est-ce pas. Qu’un homme racisé tienne à la vie, défende sa vie, lutte pour elle, n’est pas toléré.
Alors, vouloir sauver sa vie a coûté la vie à Nahel.
Vivre une vie d’homme arabe, d’homme noir, dans une France structurellement racialisée, c’est vivre à bout portant de la mort. La mort a été la peine de Nahel. Et maintenant Nahel est notre peine.
Le Président Emmanuel Macron parlait, il y a peu, de la « décivilisation » de la société française. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin évoquait, lui, son « ensauvagement ». Désormais, face aux caméras, ça prend un air grave, ça présente ses condoléances aux proches de Nahel, ça veut montrer que ça a du cœur. Ça sait, surtout, que le monde entier a vu la vidéo du meurtre de Nahel. Ça ne peut plus miser sur le doute et le mensonge.
Si eux, alors, vont sans honte, je voudrais dire que nous, qui refusons l’ordre du racisme et de sa violence, nous n’irons pas dans le calme, nous n’irons pas en paix, nous n’irons pas sans révolte, nous n’irons pas sans lutte, sans résistance, nous n’irons pas sans organisation, sans rassemblement, sans manifestation, nous n’irons pas sans vérité, sans justice. Et cela tant que les hommes arabes, les hommes noirs, ne réintégreront pas la communauté politique des égaux. Et le dire : l’égalité ne peut être blanche. L’égalité est entre tous et toutes. En attendant, alors, nous n’irons pas, sans tenter de protéger, comme nous le pouvons, les vies menacées. Je veux dire : comme nous aurions tous et toutes aimé protéger Nahel.
Kaoutar Harchi, écrivaine et sociologue

Je vous remercie Madame pour ce si triste et si beau texte qui parle vrai. Nous sommes nombreux. Nous sommes révoltés. Nous sommes le peuple qui gronde et qui demande justice.

Philippe Idlas

Auteur·rice : Philippe Idlas

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